La crise qui secoue, depuis 2008, le capitalisme mondial provoque de violentes secousses dans l’Union européenne et plus particulièrement dans la zone euro. Sur fond de profonde et durable crise économique systémique perce une tout aussi profonde crise politique. De sommets européens en G20, de réunions en conciliabules du directoire germano-français, les gouvernements affichent le marasme dans lequel ils évoluent avec l’unique objectif d’être les meilleurs serviteurs possibles de leur Maître : le Capital que les médias domestiqués s’obstinent à appeler les marchés financiers.
Cette situation illustre à merveille que « le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. » [1] Comme de quelconques actionnaires mécontents qui virent les membres du Conseil d’administration d’une entreprise, les fantomatiques marchés financiers virent les gouvernements dans lesquels ils n’ont plus confiance. La mesure de cette confiance est déterminée « scientifiquement » par les agences de notation. Malheur à celui qui est rétrogradé !
C’est ce que viennent de subir en quelques semaines la Grèce et l’Italie. Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce qui va suivre : à Prométhée nous n’avons aucune sympathie pour le social-libéral Papandreou ou pour le réactionnaire Berlusconi. Mais force est de constater que le renversement de deux gouvernements issus du suffrage universel porte un nom : il s’agit de coups d’État. Ces derniers ont été pilotés par Angela Merkel et son second Nicolas Sarkozy, ressuscitant ainsi la théorie de la souveraineté limitée de Leonid Brejnev en 1968..
La démocratie, même formelle, devient un obstacle à la volonté supérieure du capitalisme. Cette volonté est renforcée par la peur de la mobilisation des masses populaires qui sont contraintes au sacrifice pour que vive le veau d’or du capital. Qu’on se souvienne de l’angoisse qui a envahi le maître et ses principaux serviteurs à la seule annonce d’un possible référendum en Grèce.
La réaction ne s’est pas fait attendre trop longtemps : il faut remplacer les gouvernements incapables de maîtriser la classe ouvrière par des gouvernements dits « techniques » et si possible d’union nationale. La crise dans la zone euro est si profonde que les bourgeoisies retrouvent les accents de… 1914.
Les nouveaux chefs de gouvernements ont prouvé dans le passé qu’ils avaient une réelle expertise se situant au dessus des choix politiques partisans. Mario Monti, en Italie, fut de 1995 à 2004 commissaire européen à la concurrence et au marché intérieur. Cerise sur le gâteau il a exercé son expertise auprès de la banque Goldman Sachs.
Loukas Papademos, en Grèce – avant d’œuvrer comme vice-président de la Banque centrale européenne (BCE) – fut de 1994 à 2002 gouverneur de la Banque de Grèce, à l’époque où la Grèce préparait le passage à l’euro avec l’aide d’un expert de Goldman Sachs (encore !), un dénommé Mario Draghi, aujourd’hui président de la BCE. Voilà ce qui se cache sous l’appellation « gouvernement technique » : c’est les pleins pouvoirs au capitalisme financier. Autrement dit : donner les clés de la caserne de pompiers aux pyromanes !
L’autre aspect de l’histoire qui s’écrit en Europe porte le nom d’union nationale. La situation est si grave qu’il faut impliquer le maximum possible de partis. Et cette union nationale n’a pas de limites, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Ainsi en Grèce le LAOS, parti nostalgique de la dictature des colonels vient d’entrer au gouvernement. Pour ceux qui ne comprendraient pas très bien le sens d’un tel gouvernement, il faut imaginer, en France, un gouvernement qui irait du PS au FN en passant par le centre et l’UMP.
Pour le capital tout doit être mis en œuvre pour que la classe ouvrière renonce, si possible en faisant sienne l’objectivité des sacrifices. Pas si sûr qu’il y parvienne !
Emile Fabrol