Dans notre article « En passant par la Bretagne » nous soulignons que les syndicats bretons (sauf FO) se prononçaient pour le dialogue social avec les exploiteurs et le gouvernement au service de ceux-ci. Certes, rien de très nouveau sous le soleil ! Cette pratique, sanctionnée par une longue série de défaites notamment sur la question des retraites, prévaut depuis des lunes. Même si jusqu’à présent la CGT, la FSU et Solidaires ne l’affichaient pas aussi ouvertement. Le 25 novembre – alors qu’elles se précipitaient chez le Premier Ministre pour discuter d’une éventuelle réforme fiscale – les mêmes centrales syndicales (sauf Solidaires) se fendaient d’une déclaration, nationale celle-ci [1]. Cette fois les choses sont claires, les chefs syndicaux hissent les couleurs : pas question d’accroître les difficultés du gouvernement.
Constatant les dégâts de la crise sur le monde du travail, les directions syndicales redoutent que l’ampleur des drames sociaux conduise « à la désespérance et menace la cohésion sociale, la capacité à vivre ensemble et in fine la démocratie ». Cohésion sociale, vivre ensemble : quel langage bizarre pour des syndicalistes ! Sans parler couramment le prolétarien, ces termes ont comme un arrière-goût de… collaboration de classes.
Pour ces directions syndicales le danger immédiat réside dans le fait que « l’expression légitime des intérêts particuliers ne peut sans danger laisser se développer les corporatismes en ignorant l’intérêt général ». C’est quoi au juste l’intérêt général ? Un lien commun entre bourgeois et prolétaires, mais ce lien porte un nom : exploitation. Les conséquences du mode de production capitaliste se comprennent autrement : « L’unique puissance sociale de côté des ouvriers est leur masse. Cependant, la puissance de la masse est brisée par la désunion. La dispersion des ouvriers est engendrée par leur concurrence inévitable. » [2] Ce qui implique une action permanente pour dépasser cette réalité en se concentrant contre le Capital et son pouvoir politique. Dans leur déclaration commune, les directions syndicales font volontairement un choix diamétralement opposé : « C’est pourquoi doit s’engager ou se poursuivre un dialogue social avec ces objectifs, dans les entreprises comme dans les secteurs d’activités, les territoires et au niveau national. » Sans risque d’erreur, nous pouvons affirmer que les mêmes causes produiront les mêmes effets.
L’audace des directions syndicales se limite à quémander aux : « responsables économiques et politiques, au patronat et au gouvernement, de prendre la mesure des mécontentements qui taraudent la société et d’y apporter des réponses ». Autant confier les clefs de la caserne des pompiers à un gang de pyromanes. Les illusions des uns et les contorsions des autres ne changeront jamais la tendance générale du capitalisme qui n’est pas d’élever le niveau de vie des travailleurs mais de l’abaisser. Dans la continuité de celle de Nicolas Sarkozy, la politique de François Hollande l’atteste chaque jour.
Emile Fabrol
1.- La déclaration dans son intégralité
2.- Résolution sur les syndicats élaborée par Karl Marx et adoptée au 1er congrès de l’Association internationale des travailleurs à Genève en 1866.